Sécurité d'approvisionnement

Découvrez le dernier article « Sécurité d'approvisionnement » de Simone de Montmollin, candidate au Conseil des Etats !

La sécurité d'approvisionnement des produits de première nécessité doit être assurée par les entreprises, et subsidiairement par la confédération. Les risques de pénuries sont actuellement renforcés, montrant le besoin d'une stratégie visant plus d'autonomie. Simone de Montmollin, conseillère nationale, candidate au conseil national et au conseil des états, nous explique pourquoi une planification raisonnée de notre approvisionnement énergétique est indispensable.

Un juste milieu visant une plus grande autonomie en matière de production énergétique et alimentaire est plus que jamais d'actualité.

PLUS D'AUTONOMIE POUR PLUS DE SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT

L'énergie, les denrées alimentaires, les médicaments, l'eau potable mais aussi certains services de logistique, d'information ou de communication, sont vitaux pour le fonctionnement du pays. En Suisse, il incombe aux entreprises d'assurer leur disponibilité en suffisance. La Confédération n'intervient que de manière subsidiaire (art. 102 Cst. féd.) et ciblée pour combler une offre déficitaire en cas de pénurie. C'est ce qui s'est produit lors de la crise Covid-19 avec les masques et certains médicaments. Mais selon l'art. 102 de la Constitution fédérale, la Confédération doit également prendre des mesures préventives. Or la guerre en Ukraine a imposé un nouveau contexte, mettant en lumière des limites à la globalisation des échanges. Les risques de pénuries de produits de première nécessité ont été renforcés et ont montré le besoin d'une stratégie visant plus d'autonomie, et ce dans tous les pays d'Europe.

RENFORCER LA RÉSILIENCE

L'Approvisionnement économique du pays (AEP) est le dispositif stratégique du Conseil fédéral pour mettre en oeuvre son obligation constitutionnelle. Il est fondé sur la coopération avec l'économie privée. Les représentants des principales branches économiques y sont actifs. Grâce à leur expertise internationale, c'est un vaste réseau qui est à disposition du Conseil fédéral pour centraliser des connaissances et évaluer les situations.

En temps normal, l'AEP doit renforcer la résilience de l'économie suisse pour éviter une intervention de l'État. Lorsqu'une intervention est nécessaire, l'AEP doit agir de manière proportionnée. Plus une pénurie se complexifie, plus l'État doit intervenir dans l'économie pour gérer l'offre, réduire la demande et assurer une distribution équitable des biens ou services disponibles. Le Conseil fédéral a par exemple décidé en avril dernier d'augmenter les réserves obligatoires de céréales, huiles et graisses comestibles pour assurer jusqu'à douze mois d'approvisionnement alimentaire (trois actuellement), ce qui impose aux propriétaires privés des réserves obligatoires d'accroître leurs capacités de stockage.

Il est donc de notre devoir d'agir avec anticipation et de prendre les mesures nécessaires pour renforcer notre sécurité d'approvisionnement et prévenir les pénuries.

La Suisse devra assurer l'autonomie de son approvisionnement électrique tant en hiver qu'en été, sans pouvoir véritablement compter ni sur les importations ni sur les exportations.

L'ACCÈS AUX RESSOURCES : UN ENJEU STRATÉGIQUE PLANÉTAIRE

Les ressources naturelles sont principalement agricoles (plantes, bétail), hydriques, énergétiques (hydrocarbures ou renouvelables) et industrielles (minerais, métaux, terres rares). La Suisse dispose au moins partiellement des trois premières, qui fournissent à notre pays un potentiel pour remplir les objectifs que l'on s'est fixés. Le solde doit être importé.

De tout temps, les ressources ont été au coeur des préoccupations, en tant qu'opportunités pour le développement économique et humain, mais également en tant que risques. L'augmentation démographique d'ici 2050 (de 9 à 10 milliards à l'échelle mondiale et de 8,8 à 10 millions en Suisse) accélère désormais la course pour la maîtrise des ressources naturelles à l'échelle planétaire. À quoi s'ajoutent les conséquences du changement climatique et nos engagements pour y faire face. Manquer de ressources conduira inévitablement vers des conflits politiques et militaires récurrents. L'enjeu des ressources soulève également celui des limites de la planète, qui divise les scientifiques depuis la révolution industrielle. Avec d'un côté, les « malthusiens », croyant en la finitude des ressources dans un monde fini, et de l'autre, les « cornucopiens » (de « corne d'abondance »), qui soutiennent que l'innovation palliera toujours le manque de ressources naturelles, l'homme faisant office d'« ultime ressource », selon l'économiste Julian Simon.

La vérité est certainement à chercher entre deux. Un juste milieu visant une plus grande autonomie en matière de production énergétique et alimentaire est plus que jamais d'actualité.

LE CAS DE L'ÉNERGIE

Depuis 1950, la consommation énergétique a été multipliée par cinq en Suisse, répartie à peu près équitablement entre les transports, les ménages privés et l'industrie. Nous importons 70 % de nos besoins sous forme de pétrole, de gaz naturel, de charbon et de combustibles nucléaires. Suite à la catastrophe de Fukushima en 2011, le Conseil fédéral et le Parlement ont décidé de sortir du nucléaire. La Stratégie énergétique 2050 en tient compte ; elle vise à ne plus construire de nouvelles centrales nucléaires et à arrêter les existantes au terme de leur durée d'exploitation sûre ; à accroître l'efficacité énergétique afin de réduire les importations ; à augmenter la production des énergies renouvelables indigènes et à accélérer les procédures en vue de développer un réseau adapté aux nouveaux besoins.

Parallèlement à cela, la Suisse s'engage à lutter contre le réchauffement climatique en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre à zéro net d'ici à 2050 (Accords de Paris). Objectif réalisé principalement grâce à la loi sur le climat et la loi sur le CO2.

Le système énergétique suisse devra donc être bas-carbone et croître pour s'adapter aux besoins. L'électricité est en conséquence au coeur de cette stratégie. C'est l'énergie la plus efficiente et la plus facilement convertible. Cette transition ne pourra se faire que grâce à des systèmes multiénergies, intégrant différentes technologies de manière complémentaire : l'hydraulique, le photovoltaïque, l'éolien, la géothermie sous toutes ses formes, la biomasse, le biogaz, l'hydrogène vert… Tous les membres de l'Union européenne vont accélérer cette transition. Une volonté affirmée et massivement financée par la Commission européenne. La guerre en Ukraine ayant conduit à un renforcement des mesures, les États membres doivent désormais coopérer dans un esprit de solidarité en vue de prévenir et de gérer les crises de l'électricité. Pour la Suisse, cela veut dire qu'elle ne pourra plus compter si facilement sur ses voisins. La Suisse devra assurer l'autonomie de son approvisionnement électrique tant en hiver qu'en été, sans pouvoir véritablement compter ni sur les importations ni sur les exportations.

Une planification raisonnée de notre approvisionnement énergétique au niveau fédéral est donc indispensable (en collaboration avec les cantons), mais sans un accord sur l'électricité avec l'Union européenne, les mesures prises pour prévenir ou atténuer les crises électriques risquent d'être insuffisantes. Le temps des slogans est désormais révolu.