Culture à Genève : Papier de position du PLR GE

Le canton de Genève offre à ses habitants et aux régions qui l’entourent une offre culturelle abondante. Assurée largement par la Ville de Genève et les 44 autres communes, elle peut en outre s’appuyer sur de nombreux mécènes qui portent un intérêt constant et fidèle à la culture, en particulier aux grandes institutions.
 
Le canton s’est doté le 16 mai 2013 d’une loi sur la culture, visant à définir le rôle et les tâches du canton en matière de politique culturelle (art. 2). A ce titre, le canton devait établir une politique culturelle coordonnée notamment par la répartition des compétences entre les collectivités publiques (art. 4). Pour cela, le canton devait s’appuyer sur un « conseil consultatif ». 
 
Le 19 mai 2019, la population genevoise plébiscitait une initiative pour une « politique culturelle cohérente »[1] qui invitait l'Etat à élaborer une vision d'ensemble de la culture à Genève en concertation avec les communes.

Quelques chiffres

Le Département « culture et transition numérique » de la Ville de Genève a été doté en 2021 de 300,7 millions, soit un quart du budget total de la Ville. Il s'agit de loin du poste le plus important de ce budget. Selon une approche fonctionnelle, culture et loisirs ont été dotés de 325,5 millions. La Ville de Genève compte à ce jour environ 200 récipiendaires de subventions.
 
Toujours en 2021, le canton de Genève assurait pour sa part un financement de 45,8 millions.
 
Les 44 autres communes du canton sont pour leur part dotées de centres culturels (Forum Meyrin, Epicentre, Théâtre de Carouge, Douze dix-huit, La Julienne etc.) et/ou d’une politique culturelle forte (festivals, écoles de musique, etc.) qui assurent une offre culturelle très importante. 
 
Par ailleurs, il convient de rappeler que des institutions privées font rayonner notre canton dans le domaine culturel (Musée international de la Réforme, Musée Barbier-Muller, Fondation Bodmer, Fondation Bauer, Le Crève-Cœur).
 
Le mécénat privé joue en outre un rôle important en matière culturelle. Fruit d’une longue tradition, ce type de financement a permis la création de nombreuses institutions culturelles et/ou permet de financer chaque année d’innombrables prestations. Il s’agit de fondations, d’entreprises actives à Genève ou de privés qui ont à cœur de soutenir la culture, dans toutes ses expressions. 
 
Enfin, il est essentiel de souligner l’importance du bénévolat dans la culture car de nombreux genevois donnent de leur temps et de leur compétence pour accompagner la vie de nombreuses institutions.

 

Constat 1 : le Canton ne dispose pas de politique culturelle

Depuis de nombreuses années, on attend en vain du Conseil d’Etat une politique culturelle dynamique et pérenne pour Genève. L’absence de tout projet ambitieux de sa part est incompréhensible. Il provoque désarroi et colère aussi bien pour les acteurs culturels que les nombreux amoureux de la culture. 
 
Ce vide est aggravé par le rejet dans les urnes de projets emblématiques et ambitieux, tels que la rénovation et l’agrandissement du MAH en 2016 et la création d’une Cité de la Musique en 2021. 
 
Ces projets de grande ampleur, à vocation régionale, ont été refusés par des votes auxquels seul le corps électoral de la Ville de Genève a pu prendre part, à l’exclusion de l’ensemble des électeurs et électrices du canton, pourtant tout autant concernés. 
 
Le défaut d’engagement des autorités cantonales engendre en outre des tensions entre les institutions bien établies et les acteurs plus modestes qui craignent de ne pas bénéficier de l’aide nécessaire à leur survie.

 

Constat 2 : émiettement et manque de cohérence de la politique culturelle de la Ville de Genève

Alors que Genève, après Bâle, est la Ville de Suisse qui dépense le plus par habitant pour la culture, il lui manque une vision culturelle. Trop souvent, la Ville de Genève n’a pas le courage de dire non, de renoncer à certains projets et d’en renforcer d’autres. L’action qui est menée de façon très dispersée est quelque peu brouillonne et sans critère clair d’attribution. 
 
A maints égards, la politique culturelle de la Ville de Genève donne l'impression de relever d'abord d’une politique sociale : elle s'efforce de faire vivre le plus grand nombre d'artistes avant de privilégier la qualité et la cohérence. La politique culturelle doit certes s’adresser en priorité à nos habitants mais doit également faire rayonner Genève au-delà de ses frontières. Le département communal de la culture semble en revanche mettre l'accent sur les projets qui traitent des questions sociétales d'actualité, privilégiant souvent les minorités agissantes et politisées. Nombre de subventions sont modestes. Au vu de la taille du budget, et de la volonté première de soutenir les artistes, on ne peut s'empêcher de penser que le département poursuit une politique de l'arrosage. D'aucuns diront que cette politique a des visées électoralistes. Quoi qu'il en soit, les préférences affichées pour la dimension sociale (au sens de venir en aide à) vont de pair avec l'impression de vouloir reléguer au second plan le rayonnement culturel international de Genève et l'excellence artistique des prestations offertes

Ainsi, la politique culturelle de la Ville de Genève :

  • ne relève d'aucune stratégie globale ; elle se veut sociale, d'où la politique de l'arrosage pour plaire au plus grand nombre. La dispersion des subventions sur un grand nombre de manifestations et d'associations en témoigne.
  • ne vise pas l'excellence, ne cherche pas à promouvoir Genève. Souvent, aucune de ses manifestations ne cherche à rayonner au-delà des frontières cantonales, sans parler des frontières nationales. Le Conseil Administratif semble s'en accommoder.
  • se caractérise par un octroi de subventions parfois fortement idéologisées du point de vue militant ou politique des mandataires. Cela peut faire fuir les mécènes et autres donateurs privés, et donne un parti pris très idéologique.

 

Les attentes du PLR en matière culturelle :

La politique culturelle doit atteindre de nombreux objectifs, dont notamment :

  • intégrer toutes les strates socio-économiques de la population; elle doit être rassembleuse, ouverte et démocratique.
  • soutenir la création locale. 
  • promouvoir et soutenir les talents locaux, c'est-à-dire tous les artistes et professionnels de la culture résidents et issus des institutions genevoises au sens large.
  • promouvoir et faire vivre des arts qui élèvent, au-delà de l’émotion qu’ils peuvent provoquer.
  • jouer un rôle éducatif ; les institutions culturelles constituent des lieux de découvertes qui offrent un premier accès aux arts à la jeunesse.
  • financer des projets qui plaisent à un large public sans se dévoyer à la tyrannie de la popularité et donc aussi s'assurer d'une certaine exigence artistique.
  • faire rayonner Genève.
  • exercer une fonction économique et touristique. La culture constitue aussi un secteur économique important qui peut gagner en importance, en favorisant et développant un tourisme culturel vers notre République.

 

Nos propositions pour la politique culturelle de la Ville de Genève

Au vu du nombre élevé de récipiendaires des subventions de la Ville de Genève, la question de leur pertinence se pose. Chaque subvention constitue une décision politique, mais toute politique publique, et donc toute politique culturelle, ne peut pas se soustraire à la nécessité d'être évaluée. Comment détermine-t-on l'opportunité des choix culturels de la Ville de Genève ? Le maintien de l’existant semble être la seule règle. Or cela, raisonnablement, ne peut raisonnablement constituer le seul socle d’une politique publique. L'impact des politiques culturelles en Ville de Genève (nombre de personnes concernées, importance du public, résonnance dans les médias – réseaux sociaux, coûts, etc.) doit être connu et communiqué. 
 
Il est donc temps d'évaluer exhaustivement le bien fondé, pas seulement économique, des subventions accordées. 
 
L’exécutif doit en outre se doter d’une feuille de route qui permette à toutes les parties concernées de comprendre la direction souhaitée, respectivement de contribuer à la définir, aussi bien dans l’immédiat que pour le moyen et long terme.

 

Nos propositions pour la politique culturelle du Canton

  1. Le Canton doit sans tarder définir une politique culturelle cohérente qui vise une meilleure définition des rôles du canton et des 45 communes. Il conviendra de prendre en compte l’aspect social, éducatif, le rayonnement, le tourisme et la composante économique de la politique culturelle.
  2. L’enchevêtrement des tâches et des compétences doit être évité. Si le canton et une commune subventionnent une même institution (co-financement), il doit y avoir un seul répondant hiérarchique pour éviter une double tutelle lourde administrativement et posant des problématiques de responsabilité. A ce titre, il conviendra d’appliquer les principes établis dans la LRT en cas de transfert d’actifs. 
  3. La création locale de qualité doit être soutenue, en coordination intelligente avec toutes les parties prenantes. 
  4. Le Canton doit à terme être responsable des entités d’envergure cantonale et supra-cantonale, dont les institutions suivantes : Grand Théâtre, OSR, MAH, MEG, Croix-Rouge, MAMCO. De tels changements ne peuvent que s’inscrire dans une stratégie à long terme avec des étapes progressives sur plusieurs législatures lors desquelles le rôle du canton se renforcera. 
  5. Le canton et une commune ne doivent pas assumer deux entités qui ont les mêmes tâches et qui sont concurrentes. A titre d’exemple, le Fonds cantonal d’art contemporain (FCAC) et le Fonds municipal d’art contemporain de la Ville de Genève (FMAC) doivent être fusionnés comme le suggère le rapport n° 153 de la Cour des comptes de novembre 2019. 
  6. Une stratégie de partenariat avec les mécènes privés pour permettre le rayonnement culturel de Genève doit être développée.  
  7. Les milieux culturels doivent être intégrés aux réflexions.

 


[1] Art. 216 Art et culture (modifié)
1. L’État promeut la création artistique et l’activité culturelle. Il garantit leur diversité, leur accessibilité et leur enseignement. Il encourage les échanges culturels.
2. À cette fin, il met à disposition des moyens, des espaces et des instruments de travail adéquats.
3. Le canton coordonne une politique culturelle cohérente sur le territoire, en concertation avec les communes. Les acteurs culturels sont consultés.
4. Le canton et les communes élaborent et mettent en œuvre une stratégie de cofinancement pour la création artistique et les institutions culturelles.